1 Juillet 2021

Plasma Kristall-4 : la matière dans tous ses états

Du 20 au 26 juin 2021, une partie de l’équipe d’ingénieurs du CADMOS, centre opérationnel du CNES dédié aux activités en micropesanteur, a travaillé 24h/24 aux opérations de l’expérience Plasma Kristall-4. Issue d’une collaboration ESA – Roscosmos, cette expérience de physique fondamentale permet de mettre en évidence le comportement des plasmas complexes en micropesanteur et de valider des modèles physiques sur Terre. De nombreuses applications existent dans les domaines de l'automobile, de l'industrie ou encore de la santé.

Les plasmas, une « soupe » d'ions et d'électrons

Considéré comme le 4ème état de la matière, l’état plasma peut être obtenu en portant un gaz à très haute température (des millions de degrés !). De la même manière que lorsque l’on chauffe un solide il se liquéfie, lorsque l’on chauffe un liquide il devient un gaz, et lorsque l’on chauffe un gaz, il se transforme en plasma.

La formation d’un plasma correspond au phénomène d’ionisation d’un gaz : l’apport d’énergie est à l’origine de collisions entre les molécules et atomes constituant le gaz. Les électrons se séparent alors du noyau des atomes qui deviennent des ions.

Contrairement aux gaz qui sont des isolants électriques, les plasmas conduisent l’électricité. Ils sont également très sensibles à l'action de champs électrique, magnétique et électromagnétique, ce qui leur confère une dynamique complexe.

Outre l’augmentation de la température, l’application d’une décharge électrique à un gaz isolant permet également d’obtenir des plasmas, appelés « plasmas froids ».

Où trouve-t-on des plasmas ?

Les plasmas représentent plus de 99% de la matière visible de l’Univers !
On les trouve notamment dans les étoiles, les nébuleuses ou encore le milieu interstellaire. Le soleil par exemple est une énorme sphère de plasma brûlant.
On ne rencontre toutefois que très rarement des plasmas à l’état naturel sur Terre, les conditions de température et de pression de notre environnement n’étant pas favorables à leur apparition. Quelques exceptions confirment la règle : les éclairs et les aurores boréales sont constitués de plasmas.



PK-4 : modéliser les plasmas en micropesanteur

Depuis les 1ers essais en vols paraboliques jusqu’à l’ISS, en passant par les fusées sondes et la station MIR en 1998, Plasma Kristall est la plus longue expérience scientifique menée en micropesanteur

Plasma Kristall-4 (PK-4), dernière version de l’instrument, est un mini-laboratoire de plasmas complexes installé dans le module européen Columbus de la Station spatiale internationale depuis 2014.

Ce « mini-labo » en micropesanteur, issu d’une collaboration entre l’Agence spatiale européenne (ESA) et l’Agence spatiale russe (Roscosmos), est à disposition d’une communauté scientifique internationale importante : des chercheurs européens, russes, américains et japonais réalisent leurs expériences, accompagnés pour les opérations par les ingénieurs du CADMOS au CNES à Toulouse.

Mauro Augelli, Responsable Cadmos Opérations/USOC au CNES, explique : 

 L’objectif de PK-4 est de faire fonctionner un mini-laboratoire dans lequel on peut créer des plasmas afin de réaliser des manipulations et étudier leur comportement en variant toute une série de paramètres. 

Principe

Injecter des particules de poussière microscopiques dans un tube de néon ou d'argon pour agir comme substituts d'atomes. En flottant dans le gaz chargé, les microparticules accumulent des charges négatives à mesure que les ions positifs s'accumulent autour d’elles. En conséquence, elles commencent à se repousser, tout comme les atomes le font dans un fluide. Les interactions entre les microparticules et les ions conduisent à la création de structures appelées cristaux de plasmas.

Les microparticules sont assez grandes pour être visualisées individuellement et leur dynamique peut être observée avec une grande précision en utilisant des techniques simples de vidéo microscopique. En effet, la visualisation des plasmas complexes est équivalente à la visualisation d'un système atomique à travers un microscope, ce qui permet d'identifier des atomes individuels et de comprendre leurs mouvements.

Objectifs : valider des modèles physiques et étudier la propagation des ondes dans les plasmas

La recherche sur les plasmas complexes en micropesanteur permet de mettre en lumière certaines de leurs caractéristiques masquées au sol par la gravité.

Effectivement, sur Terre, les microparticules tomberaient sous l’influence de la gravité. Dans l'espace en revanche, elles se comporteront de la même manière que les atomes chargés dans une structure fluide ou cristalline.

Chambre à plasmas sur Terre (à gauche) et dans des conditions de micropesanteur (à droite). ©ESA

PK-4 en chiffres

  • 3 sessions / an d'une semaine chacune depuis 2014

  • L'instrument est prévu pour fonctionner jusqu'au 1er trimestre 2023

  • Plus de 100 expériences menées avec PK-4

Applications des recherches sur les plasmas 

Tubes de néons, phares de voiture au xénon, écrans de télévision… Les plasmas ont des applications technologiques dans de nombreux domaines de notre vie quotidienne. Dans l’industrie, les plasmas sont notamment utilisés pour la gravure des microprocesseurs. Dans le domaine spatial, ils entrent dans la composition de moteurs électriques utilisés pour propulser les sondes spatiales et les satellites.

Les recherches à bord de la Station spatiale internationale ont ainsi été à l’origine du développement de dispositifs à base de plasmas pour lutter contre les super-bactéries sur Terre et aider à la cicatrisation des plaies.

Pour en savoir plus sur cette technologie : http://youbenefit.spaceflight.esa.int/plasma-for-a-safer-world/

Cadmos Ops : théâtre des opérations

Durant une semaine, du 20 au 26 juin, pas moins d’une dizaine d’ingénieurs, opérateurs et contrôleurs-sol ont été mobilisés 24h/24 pour les opérations de PK-4 dans la salle du contrôle du CADMOS au CNES à Toulouse.

A bord de l’ISS, en direct, c’est l’astronaute russe Oleg Novitski qui était en charge de la réalisation de cette campagne scientifique, la 12ème depuis l’installation de PK-4 en 2014. 

témoignage de Claire Pichot et Samuel Fayard, responsables des opérations PK-4 au CNES : 

« Une campagne PK4 est très intense et se prépare bien en amont. Plusieurs activités sol et bord doivent se coordonner pour réussir à exécuter les activités scientifiques. Nous avons la responsabilité de valider les scripts scientifiques avant chaque campagne et de préparer tout le planning d’enchaînement des activités en optimisant le temps que l’astronaute doit y passer pendant la semaine d’opérations.

La partie scientifique se déroule en parallèle entre le sol et l’astronaute pendant les 4 jours au milieu de la campagne, mais avant ces activités clés il y a besoin de préparer les bonnes conditions de l’expérience et après chaque séance scientifique il faut faire le traitement et téléchargement des certaines données.

Toute l’équipe est entrainée à savoir répondre en cas d’anomalie bord ou sol pour qu’il y ait le moins d’impact possible sur la réussite des activités et les résultats scientifiques. Cette fois encore, le résultat de la campagne a été très positif et toute l’équipe scientifique était enthousiaste et très reconnaissante ! »



CADMOS, expert en micropesanteur

Basé au CNES à Toulouse, depuis 1993, le CADMOS est le Centre d’Aide au Développement des Activités en Micropesanteur et des Opérations Spatiales. Il a pour rôle d’accompagner les utilisateurs scientifiques, pour adapter leurs expériences aux contraintes de la micropesanteur, dans la Station spatiale internationale, l’Airbus A310 Zero-G, etc.

Depuis 1998, le CADMOS compte parmi les USOCs de l’ESA, centres opérationnels de soutien aux utilisateurs de l’ISS. A ce titre, il est en charge de la mise en œuvre de charges utiles européennes et des opérations, à bord de la station, d’expériences développées par l’ESA, notamment dans les domaines de la physiologie humaine et de la physique des matériaux.  



p8590_bcdc3c9cf66e9708e573b8c3ccb2aeb7logo_CADMOS.png