2 Novembre 2016

La physiologie humaine au CNES, une filière européenne d’excellence

En 1982, le premier vol de l’astronaute Jean-Loup Chrétien met en évidence le besoin de développement d’appareils destinés à l’étude de la physiologie humaine en microgravité. Le CNES se lance alors dans une spécialisation scientifique et technique dont il fera l’un de ses fleurons internationaux. En 1989, il crée MEDES*, centre d’opérations pour les astronautes français. Actuellement clinique spatiale, cet institut met à la disposition de la communauté scientifique des moyens de simulations de l’apesanteur (campagnes bedrest, bacs à immersion, centrifugeuse…). Suite à la sélection d’astronautes français, en 1993, le CNES crée le CADMOS.

Les principaux champs d’exploration

Le CNES travaille particulièrement sur la spatialisation des appareils qu’il conçoit pour des études physiologiques, c'est-à-dire leur miniaturisation maximale (le poids et le volume des objets embarqués doivent être réduits au maximum), leur résistance aux chocs, aux radiations, aux variations de température… Dans l’espace, les appareils (doppler, halter, ECG…) sont branchés autour d’une unité centrale.

« Cinq champs de la physiologie intéressent plus particulièrement  le spatial : le fonctionnement cardio-vasculaire, la recherche osseuse, le métabolisme, les neurosciences et les radiations » explique Guillemette Gauquelin-Koch, responsable des sciences de la vie  au CNES. Depuis plus de trente ans, pour assurer le suivi médical cardio-vasculaire (rythme cardiaque, pression artérielle, microcirculation et circulation veineuse…) le CNES a développé des appareils embarqués dans l’espace (Physiolab, Cardiolab, Cardiomed). Il travaille aujourd’hui avec la Chine sur Cardiospace qui sera embarqué en octobre 2016 sur Tiang Gong 2, en attendant Cardiospace 2 dont le séjour dans l’ISS est prévu pour 2020.

La diminution de la densité osseuse représente entre 2 et 25% de la masse osseuse d’un astronaute au cours d’un vol en microgravité et très souvent, le temps de récupération est égal à celui passé en vol. Pour mieux explorer les modifications physiologiques que le corps subit, le CNES a développé un scanner 3D faisant apparaître l’ensemble de l’architecture osseuse.

D’autres domaines comme les neurosciences, la radiobiologie, trouvent au CADMOS des voies d’exploration originales et porteuses.

Ces recherches financées par le CNES s’effectuent en décloisonnant les champs disciplinaires, ce qui en fait toute la spécificité. Elles sont à l’origine du développement de contremesures innovantes pour le maintien de la santé des équipages et de l’utilisation de nouveaux modèles expérimentaux (animaux, hommes).
Les appareils, de plus en plus sophistiqués, apportent des réponses aux multiples interrogations qui se posent encore pour relever le défi que représente l’envoi d’un homme sur la  Lune ou sur Mars.

L’action du CNES en physiologie humaine a par ailleurs permis de fédérer des laboratoires de pointe autour d’une discipline dont les retombées irriguent largement la médecine terrienne.

Les applications au sol

Passionnée par son secteur, Guillemette Gauquelin-Koch souligne le bénéfice de ces recherches pour la population : « L’observation des modifications du métabolisme en apesanteur s’avère précieuse pour nos contemporains. Sous le poids des contraintes spatiales (micropesanteur, confinement, absence d’exercice physique normal…), l’astronaute vieillit plus vite que sur Terre mais de façon réversible (déminéralisation osseuse, atrophie musculaire). Cette particularité ouvre aux scientifiques un champ d’exploration capital pour décrypter les grands maux de la société actuelle. On estime que ces maux (obésité, diabète, les complications liées au vieillissement comme les chutes, l’atrophie musculaire…) seront à l’origine de 50% des décès dans dix ans ».

A partir de l’observation des modes de récupération de l’organisme, des équipes de chercheurs élaborent des contre-mesures dont profitent les personnes vieillissantes affectées par ces maladies.
Outre les avancées strictement médicales, un des équipements développés dans le cadre du Cadmos trouve une utilisation précieuse pour relier les zones rurales ou enclavées aux hôpitaux régionaux. Il s’agit de l’échographe, qui sera utilisé pour la première fois par Thomas Pesquet au cours de la mission Proxima.

Des retombées sociales et économiques

Face au développement de la médecine spatiale, certaines entreprises, comme Erems par exemple, ont mis en place une véritable filière dédiée à la médecine spatiale. Une spécialité qui a généré de nombreux emplois, tant dans le secteur industriel que dans le secteur académique. On estime à près d’une trentaine le nombre de laboratoires (Inserm, CNRS, Universités…) travaillant en physiologie humaine.

* EDES : Institut de médecine et de physiologie spatiale


Le Cadmos

Centre d'aide au développement des activités en micropesanteur et des opérations spatiales.

Depuis 1982, une des missions du CNES est d’assurer le suivi des expériences spatiales scientifiques et techniques dans le cadre des vols habités (Mir, navette spatiale, ISS). Pour pérenniser ces activités, le CADMOS a été créé en 1993 au Centre spatial de Toulouse. Il assure un rôle de centre de mission  instrument micropesanteur. Les équipes du CADMOS ont été responsables de la préparation, de la réalisation et du suivi opérationnel de plus d’une dizaine de missions habitées, ce qui leur confère une solide expertise opérationnelle et scientifique. Les principaux domaines scientifiques explorés sont la physiologie (notamment cardiovasculaire), la biologie et l’exobiologie, l'astrophysique, les neurosciences, la physique des fluides, les sciences de la matière et les technologies. Vingt personnes y travaillent en permanence, dont 11 sont mises à disposition par MEDES.


Un rayonnement international

Dans le cadre de la Station spatiale internationale, l'ESA a décentralisé l’exploitation de ses équipements en mettant en place un réseau sol d’Usoc (Users Support and Operational Centers), répartis dans les divers pays européens participants. Retenu par l’ESA en 1998 comme Usoc, le CADMOS est le centre de référence européen en physiologie pour toutes les missions spatiales européennes. Son expertise en fait un spécialiste de haut niveau, sollicité non seulement par de nombreux pays européens mais aussi internationaux.
La recherche en physiologie humaine a donné lieu à de nombreuses publications, témoignant ainsi de la vivacité de ce domaine. 180 publications en 5 ans ont été répertoriées, plaçant la recherche française au 2e rang européen.